L’harmonie des mécaniques

« Pourquoi ne s’attend-on pas à entendre une musique dite pompeusement
« savante » sortir des haut-parleurs d’un garage automobile ? 
C’est ce simple préjugé qui fonde le désir même de ce film.

Si la mécanique automobile m’intéresse peu, la grande rigueur de Marc ne m’a pas échappée. Il opère ses réparations avec une précision chirurgicale fascinante.
J’ai même parfois le sentiment qu’il effectue tous ses gestes dans une cadence parfaitement maîtrisée, calibrée, et de façon synchronisée 
avec la musique diffusée par la radio de son garage.
Quand les cordes s’emballent, Marc virevolte au même tempo.
Quand l’air d’opéra s’achève, tombe la dernière goutte d’huile de vidange dans son réceptacle. Tout cela paraît très naturel, et au fil des playlists, on ne sait plus tellement si Marc évolue dans un simple atelier ou au sein d’un espace scénique.

Si Marc est au centre, au cœur des énergies et des moteurs, seul et unique garant du bon déroulement des partitions mécaniques, des niveaux et des équilibres, Marc n’est pas qu’un garagiste. Marc officie tel un chef d’orchestre.
Précision, dextérité, vélocité, improvisation et capacité à manier toutes sortes de clefs du bout des doigts, sont autant de qualités requises pour un garagiste que pour un musicien d’excellence.

Pour autant, j’observe Marc dans son petit et modeste garage, où je ne le vois pas jouir des mêmes privilèges que ceux accordés aux métiers de la musique dite classique, en termes d’envergure, d’aura, de respect peut-être aussi.
Bien qu’apprécié, il ne semble pas susciter les mêmes attentions. 
Pourtant, Marc n’exerce-t-il pas avec autant de professionnalisme, d’expertise
et de passion, de la même façon qu’un soliste ou un metteur en scène ? 
Ici ou là, n’est-il pas question que de travail ?

Alors oui, par nature, le spectacle vivant est fait pour être vu. Il n’y a pas de gradins  ni de fauteuils en velours dans un garage automobile. Au mieux, une paire de fauteuils en cuir. C’est justement pour cela que j’ai décidé d’y poser une caméra. Pour, modestement, tenter d’apporter un peu plus d’équilibre entre la représentation que l’on a – et que l’on fait -, du monde de la musique et celui de la mécanique. Entre le gracieux et le disgracieux ; entre l’ombre et la lumière. »

Fanny Cestier – réalisatrice